Les organisations face à la crise du COVID-19 : le vivant en question
Regards croisés de Coachs des Organisations membres du CECORP
21 Juillet 2020

Entre le 20 Mai et le 15 Juin 2020, en période de post-confinement en France, le Comité Recherche & Développement du Cercle Européen des Coachs d’Organisations Professionnels (CECORP) a réalisé un sondage en ligne intitulé “Les organisations face à la crise du COVID-19 : le vivant en question”.

52 répondants de 52 structures et 8 fonctions différentes répartis dans 6 pays (Allemagne, France, Liechtenstein, Luxembourg, Singapour, USA) y ont répondu.

Les fonctions représentées :

  • Direction Générale 15%
  • Engineering 4%
  • Finance 10%
  • Management 23%
  • Marketing 6%
  • RH 14%
  • Service Client 13%
  • Ventes 15%

Secteurs d’activités représentés :

  • Agroalimentaire 4%
  • Banque Assurance 44%
  • Chimie Parachimie 2%
  • Commerce Négoce Distribution 8%
  • Études et Conseils 11%
  • Informatique Télécoms 6%
  • Métallurgie 4%
  • Services aux entreprises 17%
  • Textile Habillement 2%
  • Transports Logistique 2%

L’intention était à la fois d’étudier trois hypothèses de recherche présentées ci-après, reflet des travaux en cours au sein du Comité R&D du CECORP, et de comprendre en quoi le coaching des organisations peut permettre une meilleure appréhension des opportunités de transformation des entreprises en ces temps d’incertitudes.

Hypothèse de recherche N°1 : “Les entreprises qui ont engagé un travail sur Mission/Vision/Valeurs ont été moins impactées que celles qui n’avaient pas ouvert ce champ de réflexion collective”.

Hypothèse de recherche N°2 : “La crise actuelle change la façon dont l’entreprise interagit avec ses propres ressources humaines : d’un côté une accélération de la place de l’humain dans les processus, de l’autre une aggravation des comportements destructeurs”.

Hypothèse de recherche N°3 : “Le coaching des organisations est une approche qui se renforce (visibilité, reconnaissance, valeur ajoutée) et se transforme dans la crise actuelle.”

Les résultats du sondage sont présentés ci-dessous, enrichis du regard croisé des Coachs des Organisations membres du Comité R&D du CECORP.

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Hypothèse de recherche N°1 : “Les entreprises qui ont engagé un travail sur Mission/Vision/Valeurs ont été moins impactées que celles qui n’avaient pas ouvert ce champ de réflexion collective”

45% des répondants affirment que le management s’est appuyé sur le triptyque Missions / Vision / Valeurs de leur entreprise pour conduire les réponses face à la crise du COVID-19. Seuls 13% des répondants déclarent que ce triptyque n’y a pas résisté.

⅓ des répondants déclare que les « process » établis (procédures, règles, normes, standards…) ou communément admis, ont été respectés pendant la crise et ont permis de faire face à la situation, mais que pour 52% d’entre eux, l’informel a pris le dessus.

Il semble qu’il y ait un écart significatif entre un triptyque Mission / Vision / Valeurs considéré comme référentiel managérial, et son application opérationnelle et effective, comme facteur d’alignement, voire de mobilisation et d’engagement collectif. Nous observons également qu’il n’y a pas de corrélation entre la taille de l’entreprise et une démarche engagée sur Missions / Visions / Valeurs au sein de celles-ci.

Il semble dès lors que pour permettre à l’organisation de vivre et d’incarner les Missions / Vision / Valeurs, un travail d’ancrage a posteriori et sur la durée est primordial, permettant ainsi d’éliminer toute incohérence entre les messages véhiculés sur son “fronton” et la réalité de ce qu’elle demande à ses ressources humaines dans des procédures écrites ou non écrites.

Dans ce cadre, pour les professionnels de l’accompagnement que nous sommes, et qui guident les collectifs dans ces travaux d’émergence du sens et des référentiels de décisions, il apparaît nécessaire de déployer des dispositifs complémentaires pour aligner et renforcer l’ancrage de ces éléments au plus près du terrain.

Il existe une opportunité d’expérimenter des protocoles de travail collectifs qui aideront les collaborateurs à s’auto-organiser, et pourront également être utilisés par et pour eux-mêmes de façon autonome. On voit ici une réelle opportunité de développement pour des accompagnements novateurs centrés sur le “comment” au-delà du “quoi”.

Hypothèse 2 :

“La crise actuelle change la façon dont l’entreprise interagit avec ses propres ressources humaines : d’un côté une accélération de la place de l’humain dans les processus, de l’autre une aggravation des comportements destructeurs”

12% des répondants déclarent que la crise a fait émerger des pratiques managériales néfastes pour l’organisation et ses collaborateurs. Dans le même temps, il n’y a pas eu de mouvement de plus grande importance donnée à la parole des collaborateurs pour proposer des solutions (17% des répondants) et contribuer ainsi à un mouvement significatif d’intelligence collective.

Dans l’étude, il ressort que les collaborateurs sont “neutres” quant à l’amélioration de l’écoute au sein des équipes. Bien que les résultats démontrent une amélioration de la créativité des équipes et de leurs managers ainsi qu’une mobilisation forte de certaines ressources internes pendant la crise, l’écoute des besoins fondamentaux des équipes par leur management ne ressort pas significativement.

Le point d’interrogation majeur concerne les relations interpersonnelles : 48% des répondants considèrent qu’elles se sont dégradées, contre 17% déclarant qu’elles se sont améliorées. Cette dégradation des relations interpersonnelles au sein des équipes n’est pas corrélée aux pratiques managériales de proximité d’après les résultats.

Les aspects relationnels de l’équipe semblent peu ou pas pris en compte par le management, comme si ce facteur n’était pas perçu comme contributif de l’efficacité de l’équipe. Nous empruntons à Éric Berne l’expression structure privée du groupe, l’endroit de la vie relationnelle des membres d’un groupe, qu’il identifie comme étant un élément constitutif de la capacité des équipes à être résilientes et performantes.

Il semble d’après le sondage que cette structure privée des équipes soit terra incognita pour la majorité des managers qui apparaissent faiblement équipés pour qualifier l’amélioration ou la dégradation des relations interpersonnelles de leurs équipes et en mesurer l’impact sur leurs objectifs et leurs activités collectives.

Hypothèse 3 :

“Le coaching des organisations est une approche qui se renforce (visibilité, reconnaissance, valeur ajoutée) et se transforme dans la crise actuelle.”

Le coaching des organisations – en tant que pratique d’accompagnement des organisations qui permet aux entreprises de trouver en elles-mêmes les ressources nécessaires pour faire face aux situations qu’elles rencontrent – est considéré comme une démarche utile par 75% des répondants mais seuls 6% déclarent que leur entreprise y a fait appel.

Un tiers des répondants déclare que leur entreprise a fait appel à des aides externes. Ces aides s’adressent principalement aux individus et sont peu utilisées pour accompagner le collectif.

Pour faire face à la situation inédite due à la crise du COVID-19, les entreprises se sont principalement appuyées sur leurs ressources internes. Le support externe n’a pas été le mode d’accompagnement privilégié. Les incertitudes générées par la situation exogène exceptionnelle ont mis une pression toute particulière sur la continuité de service du business ainsi que sur les réserves de trésorerie. Cette attention aux ressources financières des organisations n’a pas encouragé une augmentation de la demande des accompagnements par des tiers extérieurs aux organisations.

La crise étant un accélérateur de transformation par les problématiques qu’elle met en exergue, elle rend plus facilement visibles les dysfonctionnements. Une équipe de Coachs des Organisations travaille tout particulièrement l’observation et la compréhension des causes profondes, et propose des dispositifs pour faire face aux difficultés collectives. L’organisation a une meilleure perception et conscience de ce qui est à l’œuvre au sein de son collectif et de ses enjeux essentiels.

Il apparaît qu’un travail de fond est à mettre en place pour améliorer la visibilité des bénéfices apportés par le Coaching des Organisations ainsi qu’une plus grande ouverture et créativité vers de nouveaux modèles d’accompagnement des entreprises, notamment avec le rôle joué par la distance imposée aux équipes pendant la crise.

Synthèse :

La période de crise aiguë, telle que vécue lors du confinement et en phase post-confinement COVID-19, ne permet sans doute pas aux entreprises d’entreprendre des actions de transformation aussi vastes qu’avant la crise. Une priorisation est à l’œuvre mettant l’accent sur le besoin de répondre à de nouvelles pratiques managériales et la nécessité de redéfinir les postures d’accompagnement des équipes à distance. 

  • Le triptyque Mission / Vision / Valeurs semble reconnu comme essentiel mais n’est pas suffisamment ancré dans les pratiques opérationnelles pour devenir un recours réellement efficace.
  • La dimension des relations interpersonnelles est peu prise en compte par le management, alors même qu’elle constitue un socle de l’engagement individuel et de coopération, et que sa dégradation peut devenir une “bombe à retardement”.
  • Le coaching des organisations est une pratique d’accompagnement encore assez peu connue qui offre des clés de compréhension des phénomènes humains collectifs permettant l’agilité et la performance.

Pour aller plus loin, quelques références :

La Transformation Permanente, Patrick Dugois, Philippe Béon, Thierry Gauthron
Systémique et entreprise, Jacques-Antoine Malarewicz
La Théorie Organisationnelle de Berne, François Vergonjeanne
La cinquième discipline, Peter Senge

CECORP – Comité R&D